Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

J’ai vu le chat. J’ai vu le chat courir. J’ai vu le chat courir sur la route. J’ai vu la voiture. Au loin. Sur la route.

Une heure du matin, moi, sur le trottoir, le long du bitume. Je revenais d’une soirée où le bruit si assourdissant, le vacarme des conversations m’avaient fait fuir jusqu’ici. Un trottoir, la route du retour. Comme il fait bon.

La route qui m’a mené jusqu’au chat qui courait sur la route, un beau Zéphire rouquin, qui fuyait sans doute quelque chose lui aussi. La route semblait bleue dans la nuit.

On ne se connaissait pas. J’ai peu d’intime parmi les chats. Quoi qu’un peu plus depuis que les hommes se sont noyés. Je recevais des coups de papier glacé sur le visage, le vent soufflait.

Comment veux tu qu’il ne s’abîme pas ? Un chat, une voiture. Moi simplet, qui ne sais plus faire semblant passé un certain moment. Je suis parti, je n’ai pas dit au revoir, à bientôt, ou alors j’ai fait semblant. Je fais si bien semblant parfois, la plupart du temps à vrai dire. Par contre, c’est si dure quand je me rappelle. Lorsque l’on quitte un endroit plein de gens, une pièce où l’on meuble le temps en riant, buvant et se moquant des jolies petites « madame », on cesse d’exister. Si je te parle d’un temps, c’est qu’il n’est déjà plus là. Je suis un beau degueulasse, je pars sans dire au revoir, toujours. A chaque fois je pars pour toujours. Je ne reviendrai jamais. Et un jour, je me retrouve dans ces même endroits, je piétine la tombe d’un inconnu qui n’est que moi. Je suis un fossoyeur, un faux semblant. Je suis content de n’avoir pas eu à enterrer le chat. Je suis content de n’avoir rien eut à faire d’autre que de m’inquiéter, m’inquiéter de ce que je n’ai pas eut à faire. N’est ce pas pour cela qu’on s’inquiète ? Des conséquences ?

Conséquemment à ma sortie sans panache, je me suis tout de suite senti mieux. Je me suis en un instant senti enfin malheureux, seul, abandonné, puisqu’ils étaient partis, sans faire un pas. Moi qui les laissais partir en les quittant. Comme il est bon de se refugier avec soi même dans le malheur, se vautrer dans la sensation qu’on n’existe pas. Je ris, je me sens si bien dans le malaise qui m’est devenu si commun, la fosse commune qui m’accompagne. Et la nuit m’a pris. Comme elle a pris le chat d’une certaine façon. Il est si proche maintenant. Elle est si proche désormais, la voiture. Une des filles là bas, celle qui m’a parlé de son travail, qui m’a tendue une assiette, à qui j’ai rempli le verre, pendant qu’on me moquait, pendant qu’on me vomissait, au moment où l’on me haïssait avec toute la ferveur de l’adoration. Peut être que ça peut paraitre bizarre, mais c’est la même énergie, les même vapeurs. Cette fille était handicapée, elle avait fait une hémiplégie je crois. Elle était jolie, la créature.

La voiture ne l’a pas tué. Le chat. La créature qui filait et qui finit par embrasser l’enjoliveur dans un bruit de plastique. Parfois la mort est une amante fauchée et fausse, un faux semblant, une poupée gonflable. Décidemment, c’est écœurant.

J’ai hésité entre deux chemins avant de choisir celui qui suivait la longue route droite, celle que personne n’aurait emprunté. Si je ne l’avais pas suivie, le chat ne serait jamais entré en contacte avec l’automobile. Il n’aurait pas fuit pour finir immobile. Dans une flaque de merde, de sang et de bile. Le pelage souillé. C’est triste la mort, désolant d’être une machine parfaite, et de terminer comme un sac à merde. Comme si la pourriture précédait le dernier souffle, comme si ça venait de l’intérieur, alors que ce n’était qu’un baiser sur une bagnole. Au moment du choc j’ai caché mes yeux. C’est sans doute ce qui m’a le plus choqué. Moi qui suis si peu réactif. Quel type sympathique je suis. Si j’avais pris l’autre route, cette partie de la ville n’aurait jamais existée. J’aurais fait comme si.

Partager cette page
Repost0